Humanités numériques et questions d'éthique : débats, enjeux, pratiques
Pour son colloque annuel #dhnord, la Maison Européenne des Sciences de l’Homme et de la Société réunira en mode hybride à Lille la communauté des humanités numériques les 15, 16, et 17 novembre 2023. Dans la lignée des éditions précédentes, cette rencontre, qui s’adresse à tous les acteurs des humanités numériques dans leur diversité, est destinée à favoriser les échanges et à nourrir la réflexion sur leur développement. Cette année, la thématique retenue porte sur les questions d’éthique qui se posent à différents stades dans les projets de recherche en humanités numériques. L’éthique y sera autant considérée dans ses recommandations les plus larges que dans les situations problématiques auxquelles les acteurs doivent faire face.
Temps d’échanges et de débat, DHNord 2023 souhaite contribuer à la construction d’une culture partagée de l’éthique en humanités numériques, qui fait d’ailleurs écho à l’humanisme qui les inspire. Les humanités numériques, cet ensemble ouvert de démarches scientifiques diversifiées et plurielles, ne se réduisent pas à un usage expert du savoir-faire scientifique des machines à calculer ; elles placent au cœur de leurs pratiques une réflexivité épistémologique, méthodologique, et éthique sur les conditions et les modalités de production des connaissances relatives à l’humain et aux sociétés, en accordant une attention particulière aux transformations numériques affectant les méthodes, les instruments et les techniques de la recherche. Les chercheurs en humanités numériques expérimentent directement le fait que toute technologie est une pratique sociale, qu’elle comporte implicitement une conception de l’humain et des relations sociales. A travers les projets de recherche en humanités numériques, dans toute leur diversité sectorielle, culturelle et disciplinaire, se manifeste une attention particulière à certaines questions éthiques, qui concernent aussi bien les résultats que les manières de faire de la science, dont ce colloque tentera de faire un état des lieux. En humanités numériques, les questions d’éthique se posent sur de multiples plans de la recherche, que les communications attendues pourront aborder. En voici un recensement non exhaustif :
Collaboration : les projets en humanités numériques nécessitent souvent une collaboration entre différent·e·s acteur·rice·s - chercheur·e·s, société civile, institutions, communautés. Dans quelles conditions la collaboration est-elle respectueuse de toutes les parties prenantes et favorise-t-elle des pratiques éthiques ? Comment sont reconnus les contributions, l’auctorialité, le collectif de recherche ? Comment éviter ou prendre en compte plus éthiquement des asymétries ? Quand il s’agit de sauvegarder le patrimoine de communautés marginalisées ou autochtones, quelle place et quel rôle y occupent-elles ?
Données et biais : les projets en humanités numériques impliquent la collecte, le traitement et la présentation des données. Or, celles-ci sont toujours le produit d’un acte de construction et de sélection inscrit dans un contexte socioculturel et guidé par des choix et des décisions qui expriment à la fois un point de vue et un système de valeurs. La sélection et la présentation des données soulèvent des questions éthiques quand il s’agit d’éviter les biais algorithmiques et les stéréotypes qu’ils véhiculent susceptibles de produire des interprétations erronées. Comment les chercheur·e·s tiennent-ils compte de ces aspects dans leur recueil, leur modèle de traitement et leur méthodologie ?
Démarche inclusive : de la sélection des données à leur accessibilité, des enjeux d’inclusion se posent. De quelle manière sont pris en compte la diversité, l’équité, ou encore le genre à chaque étape d’un projet ? Quelles sont les mesures d’inclusion pour faciliter la représentativité, la participation ou encore l’accès aux membres de la communauté de recherche dans toute leur diversité (génération, ethnie, genre, statut, handicap...) ?
Confidentialité, sécurité des données et science ouverte : à l’heure où se généralisent les pratiques de science ouverte, comment les chercheur·e·s assurent-ils la confidentialité et la sécurité des personnes dont les données sont utilisées, en particulier dans les cas où il s’agit de données sensibles, identifiantes, ou relatives à des personnes vulnérables ? Comment se garantir contre le risque de diffuser des données qui peuvent être identifiantes par corrélation avec d'autres ensembles de données existants ? Comment s’applique le règlement général sur la protection des données (RGPD) dans l’Union Européenne ? Comment procède-t-on dans des équipes multinationales avec des membres hors UE ? Dans quelle mesure les directives en faveur d’une science ouverte s’accordent-elles avec une responsabilité éthique importante laissée aux chercheur·e·s ?
Préservation et accessibilité des données : quels cadres et quelles pratiques éthiques peuvent assurer la préservation et l'accessibilité à long terme des projets en humanités numériques ? Comment sont appliqués les principes FAIR ? Qui est responsable sur le long terme de la maintenance et quels sont les cadres appropriés ? Par quels choix de méthodes et de plateformes d'archivage cela se traduit-il ?
Humanités numériques, formation et éthique : quelle place occupent les considérations d'ordre éthique dans les formations en humanités numériques ? Comment favoriser une culture du questionnement éthique qui intègre cette dimension au cœur de toute recherche ?